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Bien plus qu’une famille

Quelle ne fut pas ma surprise de constater l’importance que les vétérans nord-vietnamiens portent à leurs compatriotes. Bien plus que de simples compagnons de combat, cinq des six vétérans que nous avons interviewés s’entendent pour dire qu’ils entretiennent une relation toute particulière avec les hommes qui ont fait la guerre à leurs côtés.

C’est tous assis en rond, dans une petite chambre au Village de l’amitié de Van Canh, un endroit qui accueille d'anciens soldats, ainsi que des enfants qui naissent, encore aujourd'hui, avec des séquelles de l'agent orange déversé par les Américains, lors de la guerre du Vietnam, que nous écoutons, pour la première fois, le témoignage de deux vétérans de cette guerre. Il y a une émotion particulière qui émane lorsqu’on s’en va à 12 000 kilomètres de chez soi pour s’asseoir devant des hommes au lourd passé, qui ont fait et vécu un sombre pan de l’histoire mondiale, afin de les écouter partager leur vécu. On arrive là avec nos références culturelles et nos attentes, parce que, t’sais, ça fait six mois qu’on étudie notre sujet de recherche au Québec, qu’on approfondit nos connaissances. Ça, ça fait en sorte qu’on pense, un peu prétentieusement, être les experts de notre sujet, que les entrevues viendront seulement consolider ce qu’on pensait déjà savoir. La réalité fut toute autre.

Nous nous retrouvons donc assis devant ces hommes « mythiques ». Avec une pointe d’émotion dans les yeux, les vétérans que nous interviewons replongent dans leurs souvenirs de guerre, parfois douloureux lorsqu'il s'agit de leurs compatriotes morts au combat, mais avec un sourire constant au visage. Mes questions concernaient le soutien familial que ces hommes ont reçu après la guerre pour panser les blessures émotionnelles causées par ce qu’ils avaient vu et vécu. Au fil des témoignages, je me suis tout d’abord rendu compte que ce n’était pas les membres de leur famille qui les avaient le plus écoutés, mais bien ceux avec qui ils avaient combattu, parce que qui de mieux placé pour comprendre ce qu’ils ont vécu que ceux qui étaient là avec eux à chaque moment. Le troisième homme que nous avons interviewé nous a même dit que pour lui, ses compatriotes étaient plus qu’une famille. Pourquoi, vous direz-vous? Parce qu’avec eux il a vécu des moments éprouvants qu’il ne vivra jamais avec les membres de sa propre famille et que, malgré toutes les difficultés, les bombes qui tombaient près de lui, le bruit des avions qui déchire le ciel et le danger constant, il a su retrouver le soutien et le courage dont il avait besoin chez ses camarades, afin de continuer de se battre pour son pays. Il est intéressant de noter que, mise à part les trois éléments traumatiques précédemment mentionnés, les vétérans n'ont pas exprimé avoir été affectés par d'autres événements. Or, il est fort possible qu'ils aient vécu d'autres moments éprouvants, mais qu'ils n'aient pas été à l'aise de nous en parler en entrevue.

[PHOTO] Légende: Moment privilégié passé en compagnie des vétérans de la guerre du Vietnam au Village de l’amitié de Van Canh. Mai 2017. Crédit photo: Nadayge Gagné

On leur a demandé si, aujourd'hui, ils repensaient souvent à la guerre, et s’ils éprouvaient encore le besoin de se confier et de parler avec des gens qui ont vécu les mêmes choses qu’eux. Leur réponse? Ils en reparlent parfois entre eux, mais en se concentrant sur les éléments joyeux, par exemple, Ho Chi Minh, le leader de la révolution communiste qui les a guidés vers la victoire ou bien lorsqu'ils ont su qu'ils avaient gagné la guerre. Par contre, ils ne ressentent pas le besoin de revenir sur ce qui les a rendus tristes, car, selon eux, c’est le passé et ça doit le rester. Ils s’entendent tous pour dire que le fait d’avoir gagné la guerre et d’avoir apporté la paix dans leur pays les rendent très fiers et que c’est cette fierté qui prend le dessus sur la tristesse et qui leur permet désormais de regarder de l’avant et d’avoir confiance en l’avenir.

Nous avons été agréablement surpris de recevoir des témoignages autant empreints d’optimisme. Ce fut une réelle surprise, car nous nous attendions plutôt à l’exact opposé. On peut assurément dire que les Vietnamiens sont un inspirant exemple de résilience!


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